L’outil ZFE (Zone à Faibles Emissions) au cœur de
la loi Climat et Résilience
L’outil ZFE (Zone à Faibles Emissions), contenu dans la loi
Climat et Résilience, a été adopté par l’assemblée nationale pour non seulement
les 10 métropoles dépassant régulièrement les seuils de pollution atmosphérique
en France, mais aussi l’ensemble des agglomérations de plus de 150'000
habitants sur le territoire. Cette mesure permettant de réduire les émissions
de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques va entrainer des
bouleversements majeurs pour le fonctionnement des déplacements urbains et
périurbains (plus d'explications au travers de l'exemple du Grand Lyon - ZFE Grand Lyon - et un exposé du dispositif par l'Etat - Présentation ZFE ). En effet, comme en témoignent les avis souvent exacerbés (voire excessifs) entendus
dans les médias, les enquêtes et les réunions publiques, la ZFE est un outil
certes efficace et pertinent d’un point de vue environnemental mais impactant,
qui ne peut donc être pensé partiellement ou trop localement pour en garantir
l’acceptabilité et la réussite.
Un outil efficace pour la qualité de l’air mais
impactant
Si les évaluations auxquelles nous avons eu accès et
auxquelles nous avons collaboré montrent que la ZFE améliore sensiblement la
qualité de l’air grâce à l’évolution des véhicules et le report modal induit, elle pose des questions sociales et
économiques majeures. D’un point de vue de la mobilité urbaine, les effets de
la ZFE dépendent en effet essentiellement de 2 critères : le périmètre et
le niveau de restriction qui s’y appliquent. Si le niveau de restriction est
généralement bien documenté et évalué, les périmètres restent peu analysés. Ils
ont été pensés essentiellement pour permettre aux communes qui adhèrent au
projet de s’y inscrire. Il est donc logique de trouver des périmètres
essentiellement administratifs, sans rapport avec les infrastructures de
transport actuelles et projetées. Les risques encourus sont de fait évidents.
Puisque globalement, il est bien plus attirant de figurer
dans la zone – où les effets positifs sont nombreux – plutôt qu’en bordure – où
les flux de véhicules polluants en rabattement sur les modes alternatifs ou en
contournement sont conséquents –. Les périmètres s’étendent ainsi souvent au-delà des
premières couronnes périurbaines. Certains périmètres dépassent alors les
limites du réseau structurant de transports collectifs et n’offrent pas de possibilité d’évitement, pour certains trajets de
longue distance par exemple. La loi, qui cherche à admettre plus de 50%
de la population métropolitaine au sein de la ZFE, incite à de tels périmètres
élargis, pourtant susceptibles de couper des pans entiers du territoire périurbain
des systèmes de transport.
Puisqu’aucun territoire
n’envisage officiellement à ce jour de ZFE à périmètres variables, les impacts les
plus importants s’étendent sans aucune différence sur l’ensemble du périmètre
de restriction, alors que celui-ci n’a rien d’homogène.
Cinq impacts majeurs
Globalement, en matière de mobilité, nos analyses ont permis de mettre en évidence cinq impacts majeurs que les collectivités concernées doivent absolument traiter, quel que soit le périmètre retenu. Ces impacts augmentent significativement avec le niveau des restrictions envisagées, et ce d’autant plus que les délais de mise en œuvre ne permettent pas de jouer sur l’urbanisation. Ils peuvent être listés ainsi :
- La ZFE induit automatiquement une augmentation de la demande sur les transports collectifs (urbains et interurbains), qui peut aller au-delà de ce que les plans de déplacement en cours peuvent assumer par le biais du plan d’actions qui y est rattaché ;
- La ZFE implique un besoin renforcé de rabattement sur les transports collectifs, pouvant induire la création de plusieurs milliers de places de stationnement en P+R sur le territoire (pour les automobiles, mais aussi vélos) ainsi que de nombreux effets de bord, c’est-à-dire des effets néfastes et erratiques en bordure du périmètre de restriction (demi-tour, stationnement sauvage, incivilités …) ;
- La ZFE présente un risque important d’augmentation de trafic en bordure de la zone réglementée pour assurer ces mêmes besoins de rabattement et de contournement (le manque de desserte efficace du périurbain attire en effet de nombreux usagers vers les transports urbains) ;
- La ZFE peut exclure certains usagers modestes habitant les territoires ruraux et périurbains, faute d’alternative crédible à l’usage de la voiture : dessertes régionales peu efficaces, périmètre de restriction trop large pour permettre un rabattement en P+R sur les réseaux urbains, etc. Seul le covoiturage peut alors répondre aux besoins et se doit d’être particulièrement traité ;
- LA ZFE doit enfin intégrer spécifiquement les flux professionnels type « artisans et équivalents » dans les modalités de mise en œuvre.
Une nouvelle approche nécessaire, qui part du
périurbain
Face à ces risques importants, il est nécessaire de penser
la ZFE comme un entrant majeur dans les politiques de déplacements, entrant qui
change clairement la donne et qui implique de réviser, au moins en partie, le
projet pour maximiser ses bénéfices et réduire son impact négatif.
Ce projet doit partir de l’organisation des dessertes périurbaines, clef de l’acceptabilité à long terme des ZFE :
- Amélioration des dessertes au-delà de la zone réglementée et facilitation du covoiturage ;
- Organisation du rabattement sur les réseaux pour permettre un accès aux offres pour tous et éviter la concentration du rabattement sur des territoires urbanisés ;
- Amélioration significative du potentiel de diffusion des flux dans la zone réglementée depuis les pôles d’échanges en entrée de ville (transports collectifs, micro-mobilité,…).
Il implique ensuite une optimisation des dessertes urbaines
pour faciliter l’accès à l’emploi et aux services depuis l’ensemble des
territoires. Beaucoup d’éléments existent déjà et n’ont qu’à être adaptés et
développés. Reste la question de la gouvernance et du financement, qui devra
être mise sur la table pour développer les projets indispensables à la
réussite. A ce stade, rien n’est prévu pour cela dans le cadre de la loi.
Une méthode à développer
Pour éviter que la ZFE ne devienne un outil d’exclusion
sociale au sein des métropoles tout en respectant les objectifs majeurs de
l’action, une méthode ad hoc doit être développée, praticable sur des temps
courts :
1 – Cerner les capacités multimodales d’accès à la ZFE au regard
des projets actés (par bassin versant) ;
2 – Estimer la demande à rabattre en amont de la ZFE (au
regard du taux de vétusté des véhicules à terme) par bassin versant ;
3 – Révéler les besoins non satisfaits et identifier des
projets complémentaires de transport :
-
finançables (rabattement péri-urbain, y compris
stationnement) ;
-
en lien avec le périmètre de la ZFE mais aussi
(voire surtout) en frange ;
-
portant tout à la fois sur les services, les
infrastructures et les accompagnements financiers/la tarification ;
4 – Consolider une organisation territoriale adaptée à l’enjeu, notamment en travaillant la progressivité de la mise en oeuvre avant une application pleine et entière.
Cette méthode générique doit alors être adaptée à chaque contexte en intégrant l’état d’avancement des réflexions, les données disponibles, le degré de consultation de la population, … C’est par le biais de ce « couple » méthode/agilité que la ZFE sera un outil pleinement efficace car accepté voire encouragé par toutes les composantes de la population impactées.